Comme la fois où je me croyais irrésistible.

Une fois par année, pendant environ une semaine, je ne sais pas trop ce qu’il se passe. Mais une fois par année, pendant environ une semaine, il se passe quelque chose c’est sûr. Probablement un débalancement hormonal, une hausse de sérotonine, une poussée de confiance en soi ou deux fils qui se touchent dans mon cerveau, mais il y a quelque chose à quelque part qui fait que tout d’un coup, je me sens irrésistible. Ouin.

C’est comme si mon égo était soudainement gonflé à l’hélium : il flotte au-dessus de tout le monde. Et du coup, j’ai l’impression que tous les hommes que je côtoie ou croise, ont un kick sur moi. Gros statement, je sais. Mais ça reste que pendant cettedite semaine, je vois des signes de mon charme partout. Et chaque petite parole, petit sourire ou petite gentillesse, je prends ça pour du cash :

  • Le joggeur qui me salue au parc La Fontaine.
  • Mon vieux comptable de 70 ans qui aimerait qu’on skype pour parler de mes impôts.
  • Le chauffeur de taxi haïtien qui me demande si j’ai déjà eu un chum haïtien.
  • Le fils de mon amie qui me trouve vraiment cool pour mon âge.
  • Le père de mon amie qui me trouve vraiment mature pour mon âge.
  • La joggeuse qui me salue au parc La Fontaine.
  • Mon boss qui m’approuve un concept (allô Marc).
  • Le photographe qui m’ajoute sur Facebook (allô Raphaël).
  • Mon prof de yoga qui me replace pendant ma posture du Dog machin… Doggy Style Facing Dog… ah oui c’est ça : Downward Facing Dog.

OK je le sais, je charrie. Mais reste que pendant cette fameuse semaine, appelons-la La semaine de la confiance en soi MD, y’a quand même certains signes qui me font penser que j’ai peut-être réellement une aura spéciale. Le médecin de la clinique du sans rendez-vous par exemple, Dr Potvin. Cinquantaine avancée, sarrau blanc, ben occupé, pas le temps de niaiser.

–       Désolé, j’peux malheureusement pas vous prendre dans mes clients réguliers, Mademoiselle.

–       Ah non. C’est parce que ça m’rassurerait vraiment d’avoir un médecin de famille. On a une génétique bizarre dans ma famille. Je vous avais dit que mon père était … mort ?

–       Ah. Non. De quoi ?

–       Méningite.

–       Bon…

–       Faites-vous des examens gynécologiques vous ?

–       Oui.

–       Ah, nice ! Pourriez-vous m’en faire un là là ? Ça fait longtemps y me semble.

–       Euh, oui oui, j’vais prendre le temps. Allongez-vous sur le dos et mettez les pieds dans les étriers. Attention, ça va être froid. Quand je pèse là est-ce que ça fait mal ?

–       Non.

–       Pis là ?

–       Non.

–       Là ?

–       Non.

–       Là ?

–       Ouch !

–       Quand je pèse là ça vous fait mal ?

–       Non mais j’me suis mordue la joue avec ma gomme. Pouvez-vous regarder si ça saigne ?

–       Bon, rhabillez-vous et remplissez ce formulaire-là svp.

–       Hein ? C’pourquoi ?

–       Devenir une de mes clientes régulières.

Euh, allô-ô ? Je ne sais pas pour vous mais pour moi ça ne ment pas. Dr Potvin qui m’ajoute comme cliente juste après un examen gynécologique : il veut me revoir, c’est clair. Ou plutôt la revoir. Toujours est-il que des histoires comme ça, ça n’aide en rien mon égo à redescendre sur terre. Ça lui donne le goût de se rapprocher encore plus du soleil même. Et ça me pousse à faire des moves qui n’ont pas de bon sens. Des moves casse-cous. Aller harceler Alec Baldwin chez lui, genre. Ou me trouver une proie dans mon entourage.

Je commence par aller stalker ses photos Facebook. Incognito, bien dans ma peau. Après ça, je lui écris. Un beau gros message bien punché, avec des jokes absurdes aux trois mots, que moi seule comprends. Par politesse, il me répond cinq mots. Pas grave. Je suranalyse sa réponse. Je lis entre les lignes. Je m’arrange pour y trouver du positif. Je chronomètre le nombre de minutes avant de lui répondre. Je stalke ses photos Facebook une deuxième fois en attendant. Et je lui réponds. Cinq lignes genre. Verbomotrice de même la fille. J’en ai des choses à dire quand même. Pis cinq mots, pour montrer qu’on est une fille drôle qui est capable de puncher, c’est pas beaucoup. Je fais aussi un itinéraire de ses déplacements. J’imprime des Google Maps que je colle sur le mur et j’y mets des punaises de couleur avec des fils qui les relient. Appelez-moi Carrie Mathison. Ensuite, je fais des refresh pour voir s’il m’a répondu et je stalke encore ses photos Facebook en attendant. Jusqu’à ce que je vois passer un statut qui dit « Find out who’s viewing your Facebook profile !!! »

Fuck.

Là je panique. Je stresse. Je pense sérieusement à fermer mon compte Facebook. Je fais de l’anxiété. De l’angoisse. De l’insomnie. Je mange pu. Je mange trop. Je retourne voir Dr Potvin. Il me fait un examen gynécologique. Et là, je suis sauvée. Voilà, c’est dit.

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2 commentaires pour Comme la fois où je me croyais irrésistible.

  1. valeerie dit :

    On peut dire que tu m’as fait pas mal rire ce matin! haha! Bravo bravo bravo!!!

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