Sur nos quatre joues les larmes coulaient. Comme un bâillement qui en déclenche un autre, mais nous c’était nos larmes qui étaient contagieuses. Elles se crinquaient entre elles, ruisselant à qui mieux mieux. On n’avait pas vraiment le droit de pleurer, faisait beaucoup trop beau pour pleurer, mais on s’en fichait : on pleurait quand même. Assises dans le gazon du parc Claude Jutra, on était inconsolables. Un parc nommé en l’honneur d’un homme qui avait préféré se jeter en bas d’un pont plutôt que de se perdre dans l’oubli. Justement, on avait l’impression de s’être oubliées nous aussi. De s’être perdues au détour d’un corridor d’université et d’avoir continué notre chemin sans jamais se poser de questions. Et là, dans le parc Claude Jutra, ça nous rattrapait. Cette impression d’être complètement perdues. Cette impression de ne pas être sur son X.
Ce jour-là, on a fait le pacte d’être heureuse professionnellement. On a fait le pacte de ne pas être comme ces gens croisés dans l’ascenseur qui nous annoncent un « Plus que trois jours avant le weekend ! » le mardi matin. Peu après, je suis devenue conceptrice-rédactrice alors que mon amie est courageusement retournée à l’école. Je ne me tannerai jamais de lui dire à quel point je suis fière d’elle. Je suis tellement fière de toi. Quand elle me raconte sa nouvelle vie, je suis convaincue qu’elle a fait le bon choix. J’ai voulu lui rendre hommage en soumettant l’une de ses histoires au Prix du récit Radio-Canada. Mon texte a été retenu dans les cinq finalistes. Oui, je crois qu’on a fait le bon choix.